C'est dur la vie.

C'était le moins qu'on puisse dire.
Attachée à son poteau par les poignets depuis neuf heures du matin, Ray commençait tout doucement à en avoir sa claque. Mais seulement tout doucement, hein.

...Pas que la nuit tombait, mais c'était tout comme.
Elle tirait sur les menottes qui rendaient son pouvoir de métamorphose inutilisable en essayant de déloger l'attache de la chaîne, mais pas moyen. Elle allait même plutôt finir par se détacher les mains du reste du corps si elle continuait comme ça, vu les lignes sanguinolentes qui se formaient sur ses avant-bras à partir d'une blessure naissante cachées sous les bracelets métalliques.

Elle avait désespéré tous les acheteurs. Un par un. Elle n'était pas assez sociable, pas assez utile, pas assez intelligente, trop sauvage, trop petite, trop frêle, et ainsi de suite. Et surtout un peu agressive, vu l'état de nerfs dans lequel la mettait sa condition.
En désespoir de cause, elle se décida enfin, après plusieurs heures, à laisser ses bras se reposer et cicatriser.

Pour commencer à tirer sur la chaîne qui retenait sa nuque.
Si elle ne se choppait pas le torticolis du siècle, il y avait malice quelque part. Néanmoins... Lorsque, pour le troisième soir de suite, le marchand d'esclave vint la détacher pour la nuit, un bruit de pas du fit tourner la tête, avec un effort immense de son cou en compote.

Ça sentait mauvais, ça.

Elle allait être très méchante. Comme ça, en plus de ses haillons déchirés, de ses blessures partout et de la crasse ambiante, elle allait faire fuir quiconque voulait venir acheter la dernière esclave de l'étale. Et ils la tueraient, et elle aurait la paix. Bon plan, hein ?

[Sujet à situer dans le temps entre l'event4 et la rencontre de Grey et de Spaz.]

Le neko psychopathe arriva en marchant dans le port de Sikÿa. La nuit tombait, il n'avait pas grand espoir de trouver ce qu'il cherchait. C'est vrai que, à ce genre d'heure, les revendeurs d'esclaves fermaient ou avaient déjà fermé boutique, et avaient déjà remballés les quelques pauvres êtres qui leur restait.

Ca lui faisait bizarre d'être à la recherche d'un ou une esclave. Avant, quand il avait sa grande demeure, dans les Anciens Temps, il en avait acheté pleins, tous ces larbins minables qui devaient s'occuper d'entretenir son château. Mais, là, comme il était nomade, il n'avait plus eut besoin de cela. Mais maintenant, il lui en fallait bien un.

En effet, il avait décidé d'utiliser un peu sa bourse qui, au fil de ses voyages et de ses massacres en routes, s'était alourdie. Il avait eu envie d'avoir un petit coin où se reposer, une maison où retourner quand il aurait envie d'un peu de calme. Il avait donc cherché parmi les maisons en vente dans le quartier Sud de Galiä et avait finalement trouvé une toute petite maison étroite mais confortable pour peu cher.

Mais comme il serait souvent parti, il aurait besoin d'un esclave pour tenir l'endroit. Il avait besoin d'un esclave en qui, donc, il pourrait avoir confiance. Plus ou moins quoi.

Lorsqu'il arriva finalement au dernier étale encore ouvert, il vit qu'il n'y avait plus qu'une esclave. Elle avait l'air un peu... spéciale, à première vue, et même un peu sauvage. Enfin, il n'y avait plus beaucoup d'autre choix... Et si elle n'était pas sage, il saurait la dresser. Il demanda au vendeur :

"Combien, pour elle? Trois cent pièces d'or suffisent-elles?"

Ray se tut, voyant le regard noir que le marchand lui adressait. En clair, il en avait marre de la voir.

Le bonhomme, graisseux et marqué de petite vérole, se caressa le menton en regardant Grey. Il était temps de montrer ses talents de commerçant.

"C'est à dire que... Elle est rare, savez-vous. Elle n'est peut-être pas en bon état, mais... Elle est belle, quand elle est un peu retapée, et elle peut se changer en n'importe quel animal. Pratique pour les gros travaux, mon bon monsieur..."

Ray renifla buyamment. Histoire de faire croire qu'elle avait une bonne grippe, ou mieux, une pneumonie. Elle se força à tousser, s'étouffant dans son collier. Ce qui lui valut une bonne gifle qui retentit dans la rues déserte.

Le marchand soupira. Elle le faisait exprès, la garce.

"...Elle est comédienne, ne faites pas attention."

Il guettait les alentours, histoire de voir si un autre acheteur potentiel ne se pointait pas, mais ça semblait peine perdue. Il allait devoir céder au premier prix si elle continuait son petit numéro, sinon elle finirait par devenir invendable par mauvaise réputation.

Mais... Son honneur de marchandeur lui interdisait de ne pas tenter de négocier. Tout de même, elle avait un sale caractère, mais si on était du genre un peu... Dérangé, elle avait son charme, la petite.

Grey soupira. En neuf mille ans, les marchands d'esclaves n'avaient pas changés. Toujours à sauter sur la première occasion de se faire deux ou trois piécettes en plus. Il soupira. Il n'avait pas le temps de faire du marchandage. Il la voulait vite, avant que la nuit ne tombe réellement. Il avait beaucoup de choses à faire, et il ne pouvait pas se permettre de perdre une seconde... Avec la chute de Kithahara et tout, ça devenait dangereux pour lui de se promener à visage découvert dans les rues.

Il était donc un neko pressé. (C'est pas la fin du siècle, mais bon...On est pas en Europe non plus.) Il regarda sa bourse et réfléchit un instant. Il pouvait se permettre de mettre un peu plus. Il calcula combien pourraient lui couter la nourriture des prochains jours, les quelques meubles qu'il devrait encore acheter, et deux trois autres petites choses. Il allait falloir la jouer serré. Ou alors, détrousser/trucider deux trois nobles voyageurs. C'était au choix.

"Je connais vos habitudes de négociants, mais je n'ai pas le temps pour toutes ces conneries. Je vous en donne trois cent vingt-cinq, et c'est ça, ou rien. De toutes façons, il n'y a aucun autre acheteur."

Il espérait motiver le vendeur à la vendre vite de cette façon. Il la regarda de bas en haut... Elle était plutôt mignonne, en plus. Ses menottes et sa laisse avaient l'air étranges...

"Ses liens sont fait en quoi? On dirait cette matière là, dont j'ai oublié le nom, qui annihile des pouvoirs? Elle est spéciale en quelque chose?"

Le marchand se frotta les mains. Bon plan.

"Elle est à vous."

Ray, elle, se remit à tirer du plus fort qu'elle pu sur ses liens. Elle prit la parole, d'une voix maladroite qui n'avait toujours pas l'habitude du langage humain.

"Je veux pas."

Et elle se mangea une deuxième gifle.

"Excusez la... Elle ne sait pas ce qui est bon pour elle. Pour répondre à votre question..."

Il se pencha, et détacha l'extrémité des chaînes de Ray qui était accrochée au poteau, pour les tendre à son nouveau maître, avec un grand sourire, ouvrant la main pour receuillir son argent. Avec la masse du bonhomme, il parvenait sans peine à maintenir la toute petite jeune fille qui se débattait tant bien que mal en marmonnant des choses incompréhensibles.

"C'est un métal enchanté, pour qu'elle ne puisse pas utiliser son pouvoir. Comme je vous l'ai dit, elle peut se changer en animal, elle peut être dangereuse. Pendant un transport, elle s'est changée en lynx, mais elle n'est pas très... En chair, voyez vous, elle est facilement maîtrisable. Ne la nourrissez pas trop, surtout."

Ah, les bons conseils des sans coeur.

Ray serrait les dents, alors qu'on la vendait comme un sac de farine. Elle ne connaissait pas la valeur de l'argent, mais elle savait qu'une laisse, c'était pour les chiens.
Or, on l'empêchait d'être un chien.
Ce gars là n'était pas net, même si il ressemblait à un chat. Il ne l'approcherait pas.

Grey eut un petit sourire en coin. Qu'elle essaie, seulement, de se rebeller... Il n'était pas un psychopathe pour rien, que sa victime lui ait couté 325 balles ou pas. Elle aurait intérêt à se tenir à carreau, sinon... Il s'amuserait bien à faire un remake de ce qu'il avait fait avec Elisa, c'avait été drôle. Malgré lui, il se lécha la lèvre supérieure à cette pensée.

Il revint sur terre, s'éloigna de ses pensées de meurtrier dangereux, puis prit la poignée de la laisse de chaine des mains du gros marchand, puis quitta son marché sans un regard en arrière, en trainant derrière lui sa dernière acquisition. Il ne prononça pas un mot, la forçant à marcher à bonne allure, tenant la laisse avec sa force habituelle. Il l'emmena jusqu'à la maison qu'il avait acheté plus tot dans l'après-midi, sortit une clef d'une poche, ouvrit la porte, et fit entrer son esclave à l'intérieur.

Il referma la porte derrière elle, puis se décida à lui parler. Il le fit d'une voix tranchante, ne laissant pas la moindre possibilité de contestation.

"Je m'appelle Grey. Mettons les choses au point. Tu m'obéis, je serai gentil avec toi. Tu refuse de te soumettre, tu morfles. Simple non?"

Ils étaient dans un petit hall d'entrée. Il y avait deux portes et un escalier.
La porte à gauche menait dans un petit salon avec deux fauteuils et une cheminée, et l'autre donnait sur une cuisine rudimentaire. L'étage se composait de deux chambre, une salle d'eau et une salle vide.

"Je suis quelqu'un qui voyage beaucoup. J'ai acheté cet endroit aujourd'hui même et j'ai besoin de quelqu'un pour le tenir en ordre. Toi."

Il tira sur la laisse pour l'emmener au salon, et la fit s'assoir sur un fauteuil. Il prit place sur celui en face. Il n'y avait qu'une petite fenêtre. la maison était assez sombre, et il y avait de grands lustres prêts à être allumés.

"Comment dois-je t'appeler? As-tu un prénom, un nom, ou bien dois-je te trouver un surnom?"

Il avait l'impression d'avoir adopté un animal de compagnie. C'était plutôt marrant.

Ray bouillonnait de l'intérieur. De fureur, m'enfin.

Elle regarda son "maître" comme si elle regardait une vile crotte.

"M'appelle Ray. Suis pas un chien."

Sa voix était presque incompréhensible, puisqu'elle ne faisait aucun effort de civilité. C'était d'ailleurs tout ce qu'elle comptait dire. Elle avait un accent un peu métallique, guindé, celui de quelqu'un qui n'a pas l'habitude des mots ; on aurait dit que ce langage n'était pas le sien.
Elle était presque roulée en boule, repliée sur elle-même, tant elle n'avait pas envie. Elle n'avait même pas peur. Simplement, passer un an en tant qu'animal sauvage, ça ne donne pas envie d'être tenue en laisse.

Elle avait arrêté de tirer sur ses chaînes, par le simple constat que si il était capable de la traîner à travers la ville, il était capable de la maintenir assise sur un fauteuil. Son mètre cinquante n'était pas de taille à lutter. CQFD.

La jeune fille se contentait donc de faire frotter ses menottes contre sa peau. Avec un peu de chance, elle aurait une hémorragie et elle aurait la paix. Non ?
Elle leva les yeux vers le neko. En observant sa tête d'un peu plus près, elle se rendit compte qu'il s'amusait beaucoup.
Et elle commença à avoir peur.

Peut-être que si elle était gentille, il lui enlèverait ses liens. Et qu'elle pourrait lui arracher la tête avec ses grosses pattes de panda.

Grey poussa soupir. Ca n'allait pas être simple. Enfin, dans sa logique, rien n'était jamais simple, comme rien n'était vraiment compliqué. Tout dépendait toujours du point de vue. Du sien, en fait, c'était pas si compliqué quand il y réfléchissait. Gentille = plus de menottes. Méchante = plus de tête. Bourrin, rapide, efficace. CQFD aussi.

"Très bien, Ray. Je sais que tu n'es pas un chien. Je ne comptais de toutes façons pas te laisser tes liens bien longtemps. Si tu dois t'occuper de cet endroit en mon absence, il vaudrait mieux que tu aies les mains libres. Je tenais juste à régler quelques détails avant."

Il se leva vers elle, et en se levant, enleva le lourd manteau qui reposait jusqu'alors sur ses épaules, dévoilant du même coup la longue et lourde épée qu'il portait à sa ceinture. Il s'approcha d'elle et lui enleva ses menottes. Il dit en même temps :

"Je te déconseille de m'attaquer. Je ne suis pas n'importe quel pervers qui rêve de sa petite esclave personnelle, aussi sauvage soit-elle. je suis bien plus dangereux et dérangé mental. Soyons en bons termes."

Il s'éloigna d'un pas en lui tournant le dos, puis demanda :

"Tu as faim?"

La jeune fille grogna, vu que c'était ce qu'elle savait le mieux faire. Enfin, au moins, elle ne reniflait plus comme un sanglier pneumonique pour faire croire qu'elle était de la bidoche périmée. Y avait du progrès.

"Faim. Mal."

Elle montra ses poignets. C'était joliment rouge de sang et blanc d'infection. Ah et un peu bleu sur les bords, aussi. Magnifique drapeau français autour des fines articulations de la petite esclave.
Elle semblait avoir plus ou moins compris qu'elle ne devait pas moufter, ce qui était en soi un autre grand progrès. Elle apprenait vite, la ptite.
Elle n'osait même pas prendre une forme animale pour l'attaquer, c'était dire.

Ray n'avait jamais vu une épée de sa vie. Des haches et des poignards, ça, tout plein. Et ce machin là avait l'air bien lourd et tranchant. A éviter, donc.

Voyant qu'il s'apprêtait à s'éloigner, elle se détendit légèrement, dépliant ses jambes. Elle tira sur ses haillons pour essayer que ses jambes restent couvertes même étendues, mais ça semblait ne pas marcher. Elle soupira. Elle avait froid.

L'esclave regarda autour d'elle. Elle aurait pu tomber plus mal, c'était un fait.

Grosso modo, elle commençait peut à peut à se calmer... Mais aussi à apprendre le respect. Finalement, elle n'avait pas été vraiment difficile, si on oublie ses cris et sa lutte durant le trajet.

...Peut-être qu'elle attendrait qu'il dorme.

Grey se retourna légèrement lorsqu'elle mentionna la notion de douleur. C'était pas joli joli, en effet. Il s'éloigna un peu, et passa dans la cuisine. Il ouvrit un placard qu'il avait lui-même remplit un peu auparavant, et en sortit de quoi manger et un plateau. Il revint dans le salon et déposa le plateau à côté de la jeune esclave, là où il y avait de la place. Ca manquait d'une table basse, ici...

Sur le plateau, il y avait un couteau, du saucisson, une miche de pain, un peu de fromage et une bouteille d'eau.
Le psychopathe se pencha vers elle et lui prit les poignets délicatement pour regarder ce qu'il pouvait faire. Il se souvint alors qu'un apothicaire avait son magasin deux maisons plus loin.

"Mange un peu, je vais chercher de quoi désinfecter, soigner, et bander tes plaies. Il faudra aussi que je t'achète quelques vêtements pour remplacer ceux-ci qui sont tous déchirés. mais ça, il faudra voir ce que tu préfères."

Il se trouvait plutôt sympa comme maître. Dans l'Ancien temps, ses larbins, il les tuait à la tâche et ne s'inquiétait pas le moins du monde de leur état de santé, de ce qu'ils avaient mangé le matin, ou de comment ils s'habillaient, du moment qu'il n'avait pas à poser ses précieux yeux sur des horreurs.

Rien à faire, son manque de puissance par rapport au passé l'avait attendrit. Il faudrait qu'il se reprenne, un de ces quatre. Il quitta la maison en fermant à clef derrière lui, sait-on jamais qu'elle soit prise d'une envie soudaine de foutre le camp, puis traversa la rue pour acheter quelques petites choses au dit magasin.

Il revint cinq minutes plus tard, un paquet entre les mains. Il dit alors en prenant une bouteille au contenu sombre :

"Ca va piquer un peu, n'aies pas peur. Tu vas avoir mal, c'est normal. Ca ira mieux après. Dis-toi que se faire peler la peau au petit poignard fait plus mal que ça. Euh... Oublie ce que je viens de dire."

Ensuite, il lui prit les poignet, nettoya puis désinfecta les plaies, et termina par les bander. Il recula ensuite, se coupa un bout de saucisson, le mangea, et demanda :

"Bien. Maintenant que ça c'est fait, tu es prête à m'obéir?"

Ray regarda ses poignets comme si un extraterrestre rose à pois mauves s'était posé dessus en faisant la danse des canards. Rien d'étonnant, elle venait de percuter que le bandage blanc était presque invisible sur sa peau blanche.

Elle regarda ensuite la nourriture, qu'elle n'avait pas touchée en son absence. Même chez les lynx, on faisait gaffe à ce qu'on mangeait.
Mais maintenant qu'il y avait touché, elle se disait que ça ne pouvait pas être mauvais.

Elle jeta un regard en coin à son maître, pour surveiller ses réactions, et se saisit doucement du couteau, sans geste brusque. Elle avait l'impression que si elle faisait le moindre mouvement de travers avec un objet coupant -surtout vers le bas *BAF*- elle allait finir dans le mur. Ce n'était à mon avis pas qu'une impression, mais passons.
Elle se coupa un morceau de fromage avec d'infinies précautions, avant de reposer l'ustensile tout aussi calmement, sans quitter Grey du regard. Opération réussie.

Maintenant, elle pouvait manger.
Au moment où le fromage entra en contact avec ses lèvres, son estomac émit une protestation bruyante qu'elle ignora, pour manger lentement. La méfiance n'admettait pas de précipitation.

A la question de son maître, elle se contenta d'acquiescer avec respect (plus ou moins, quoi), se remémorant que les nonnes lui avaient appris à ne pas parler la bouche pleine.
Brave bête. Elle avala son fromage, et répondit cette fois vocalement.

"Qu'est-ce que vous voulez ?"

Hourrah, c'était cohérent !

Grey sourit en la voyant manger, et en entendant le son de son estomac. Elle savait manger proprement en plus. Merveilleux quand même. Au moins il ne devrait pas refaire son éducation. pas totalement, du moins. Il prit son temps avant de répondre, pour la laisser manger encore un peu.

"Je te l'ai dis. Tu dois t'occuper de cet endroit en mon absence. Je laisserai toujours un peu d'argent. En sois, tu es presque libre. Tu as juste de grosses contraintes. Interdiction de quitter le quartier. Obligation de faire le ménage. Interdiction de te faire des amis. Obligation d'obéir aux précédentes directives, et aux ordres que je pourrais donner dans le futur, que ça soit un futur proche ou lointain."

Ca, au moins, c'était fait. Il sourit et se leva. Il la regarda et réfléchit, en psalmodiant quelques paroles sans s'en rendre compte. Il devait établir des règles un peu plus complètes, si il voulait être sur qu'elle n'aille pas faire des choses qui pourraient l'énerver et dont il ne l'avait pas prévenu que c'était interdit.

"Quand je serai présent, tu seras aussi tenue de me faire la cuisine. je ne pense pas que je te remettrai un jour les menottes, si tu restes sage. Si tu fais des conneries, par contre... Je ne réponds pas de ce que je suis capable de faire. il est déconseillé de me mettre de mauvais poil."

Il sourit, de son bon vieux sourire psychothique, puis regarda l'escalier. Il faudra aussi qu'il lui dise quelle chambre était pour elle et quelles pièces lui seraient interdites. Il pensait entreposer deux trois petites choses dans celle actuellement vide. De l'argent, des armes, des potions, des livres...

"Ah et, aussi. Interdiction de se laisser mourir. Des questions?"

Ray étira ses lèvres en ce qui devait être, à la base, de loin, avec des lunettes de soleil et le vent dans le dos, une c.... un sourire obéissant. C'était plutôt un copain au rictus psychopathe du pote en face, mais on dira rien.
On ne peut pas se laisser mourir... Mais on peut tuer le maître ? Il veut prendre le précieux...

Euh, je m'égare.

"Je sais pas cuisiner. Juste gâteaux. Crêpes. Rien d'autre."

C'était dit sur un ton d'excuse assez... feint. (Non, pas faint, non mais.)
Mais on dira rien non plus.
Elle prit un morceau de pain, nettement plus sécurisée dans la démarche de se saisir du couteau. Ce qui ne l'empêchait pas de ne pas quitter Grey du regard ce faisant.

"Peux peut-être apprendre, mais va être mauvais d'abord... Je sais pas ce que vous aimez."

Elle déglutit une bouchée de pain, et frotta machinalement les bandages de ses poignets. Question d'habitude. C'était d'ailleurs assez étrange : les pansements étaient la seule chose qui était propre sur elle. Par très ragoûtant.
Elle s'essuya la bouche et le nez avec sa manche, qui n'était plus bonne qu'à ça. D'ailleurs, le tissus laissa une large trace noire en travers de son visage, tant il était crade.
Je passerai les détails de l'odeur.

Et pourtant, cette chose aurait pu être jolie, si si jvous jure !

"J'ai pas autres questions."

Grey se retourna vers elle, et passa sa main droite dans ses cheveux. Il soupira en voyant dans quel état elle se trouvait. Il décida de d'abord répondre à ce qu'elle avait dit, avant de lui donner un petit conseil par après.

"La viande. J'aime tout ce qui a souffert pour être mangé. Les légumes, m'en faut pas des masses. J'aime bien les poireaux, à la limite... Et les carottes me dérangent pas non plus. Je te trouverai des livres de cuisine, tu apprendras vite."

Il monta ensuite l'escalier en faisant signe à Ray de le suivre. Une fois en haut il visita l'étage. Il n'était lui-même monté qu'une seule fois, en vitesse. Une chambre semblait assez large et confortable. L'autre était assez étroite, en fait. Bon bah, le choix était tout fait. Il prendrait la grande, et laisserait la petite à son esclave.

Ensuite, il passa dans la salle vide. Elle était encore spacieuse... Pratique. Il regarda ensuite la dernière salle, la salle de bains. Il constata que l'eau était reliée par un genre de robinet jusque dans la grande bassine en pierre polie qui servait de baignoire. Il y avait également un bac à eau qui devait servir d'évier, et, pour terminer, un siège avec un joli trou dedans, relié lui-même à un tuyaux qui envoyait tout ça dans une fosse sceptique.

Grey fit rentrer Ray dans la pièce et lui dit :

"Lave-toi, t'en as besoin. Pour tes vêtements... On verra demain. ne traine pas trop. Il y a un peu de viande dans un placard en bas, ainsi que quelques patates. Dès que tu as fini ici, tu m'aideras à préparer en bas, puisque tu n'as pas encore appris. Je te montrerai deux trois choses... les bases."

Ensuite, il sortit en refermant la porte derrière lui et alla directement à la cuisine, et sortit les patates pour commencer à les peler, un air nostalgique sur le visage.

Tout en pelant, il réfléchissait. Que convenait-il de faire en premier? Il devait se faire des alliés, c'était chose certaine.
Les hors-la-lois représentaient ses principaux ennemis. les royalistes venaient en second. Gabriel ne représentait pas grand chose comparé à la puissance qu'avaient accumulé les brigands...

Il mit les deux trois patates déjà pelées dans une casserole, et continua à peler. Il regarda ce qu'il avait d'autre comme ustensiles. (De cuisine voyons... xD). Une poêle, quelques couverts, des verres, des assiettes, une marmite, et la casserole. Il regarda l'endroit prévu pour faire le feu et se dit qu'il ferait bien la viande qu'il avait acheté à la poêle...

[J't'en foutrai, moi, de la nostalgie du pèle-patates... -.-]

Une fois seule, Ray soupira. Elle s'assit au bord de la baignoire, ouvrit l'arrivée d'eau. Et sortir de sa manche le couteau qu'elle avait subtilisé quand Grey lui avait tourné le dos pour monter l'escalier. Heureusement qu'elle avait de bons réflexes.

Deux choix s'offraient à elle. Soit elle avait la paix éternelle, soit c'était lui.
Bizarrement, la seconde proposition la tentait plus. Elle, elle risquait de se rater. Si elle s'y prenait bien, Grey, lui, pouvait passer à la trappe en maximum deux jours.

Si elle s'y prenait bien.
Oh, pas qu'il n'était pas correct avec elle -pour l'instant. Elle détestait juste être prisonnière. Et elle détestait encore plus qu'il pense qu'il puisse la troquer contre des ronds de métal jaune. Elle n'était pas un bac de légumes qu'on vendait au marché. Elle était humaine.

L'étoile au creux de son cou commença à luire, signe qu'elle était fatiguée. Elle se débarrassa de l'espèce de machin qui avait autrefois pu figurer une robe, cacha le couteau derrière une plinthe disjointe, et se glissa dans l'eau avec précautions. C'était glissant.
Elle y passa le temps le plus court possible. Elle ne voulait pas risquer d'ennuis. Néanmoins, quand elle ressortit, elle était propre, ce qui était déjà un grand pas vers l'avant. Elle ressemblait déjà nettement plus à l'humaine qu'elle se voulait être, et si elle n'avait pas du renfiler des haillons, elle aurait pu être très jolie.

Elle remit son vêtement avec une moue de dégoût, mais elle n'allait pas faire la difficile. La jeune fille fit une natte avec ses longs cheveux, histoire de ne pas en perdre au dessus du repas, puis descendit en priant pour que Grey n'aie pas l'idée d'aller inspecter la salle de bain. Ni de nettoyer le plateau, d'ailleurs. Elle se sentait bien mieux à présent, elle n'allait pas risquer de se faire mal voir dés maintenant.

Elle s'adressa à son maître, une fois dans la cuisine, de sa voix malhabile. Au moins, ce ne serait pas une jacasseuse.

"Qu'est-ce que je fais ?"

Ray avait un peu peur de faire une bêtise, bien qu'une connerie bien plus grosse soit en marche. Très contradictoire tout ça.

Grey sourit en la voyant arriver. C'était déjà mieux ainsi. Il ne lui manquait plus que quelques vêtements corrects et elle pourrait être jolie. En fait, sans s'en rendre réellement compte, Grey s'était payé une esclave plutôt belle... Enfin, il avait toujours Alendyn, mais, ça faisait bien longtemps qu'il ne l'avait plus vue, et leur dernière rencontre avait été un peu... hostile.

Enfin soit. Le neko psychopathe laissa le pèle-patates sur la table et dit :

"Tu regardes. Tu retiens. J'ai été plus vite que prévu, j'ai terminé de peler. Maintenant, je mets de l'eau dans la casserole, un peu de sel, et je fais cuire. Et pendant que ça cuit, je m'occupe du steak."

Il mit la viande dans la poêle, mit celle-ci au dessus du feu et se mit à la préparer, en l'assaisonnant, en y mettant un peu de beurre, et tout... Tandis qu'il faisait tout cela, il exigea :

"Tu as bien vu? Parfait, alors dresse la table, à présent. Les couverts sont dans l'armoire à côté de toi."

Il termina ensuite sa préparation, puis, quand ce fut prêt, il déposa la nourriture sur des sous-plats en pierre sur la table. Il dit ensuite, en s'asseyant et en prenant un grand couteau de boucher pour couper le steak. Il servit son esclave (le monde à l'envers, mais bon) et dit :

"Voila, tu as vu comment préparer, couper, et servir un steak et des patates. Donc la prochaine fois qu'on mange ça, tu fais tout ça toute seule. Aujourd'hui je m'en suis occupé, mais c'est parce que c'est le premier jour. A partir de demain, tu te débrouilles."

Il mangea un premier morceau de son steak, puis demanda à la jeune eclave :

"tu trouves ça bon, au moins?"

Ray, pas très bavarde, hocha la tête à presque tout ce qu'il dit, mettant la table avant de s'y installer. Elle mangeait lentement, les yeux baissés, concentrée sur ce qu'elle voulait faire plus tard dans la soirée.

Ce n'est qu'à la dernière question qu'elle releva les yeux, pour répondre poliment :

"Oui, c'est très bon. Merci."

Elle s'exprimait exclusivement par phrases très courtes. C'était donc un exploit d'avoir un temps de parole aussi long. C'était sans doute parce qu'ils mangeaient de la viande : elle n'aimait pas spécialement manger des êtres vivants, mais il fallait avouer que par sa nature un peu... lynx, elle aimait quand même bien les protéines.

Le repas s'écoula dans le silence. Juste après, Ray débarrassa la table et nettoya les assiettes d'un air absent. Heureusement qu'elle avait un visage à l'expression un peu distraite par nature, sinon ça aurait caché quelque chose. Mais elle ne cachait rien, bien sûr.
Elle rangea du mieux qu'elle put, mémorisant l'emplacement de tous les ustensiles dont elle aurait peut-être besoin plus tard. Autant dire qu'elle du, cette fois, parler un minimum pour s'enquérir de la chose.

Une fois que tout fut à sa place, elle se lava les mains, dans l'attente de la prochaine tâche qui lui incomberait. Mais les ordres ne venaient pas. Alors, les bras ballants, elle se décida à demander, mal à l'aise, ce qu'elle avait à faire :

"Que dois-je faire maintenant ?"

L'étoile au creux de son cou brillait maintenant avec tant de force qu'on la voyait luire à travers les vêtements crasseux de la jeune fille. Elle tombait de sommeil, mais tâchait de ne pas le montrer.

Grey était resté complètement stoïque d'un bout à l'autre du repas, car il réfléchissait encore et toujours. C'était peut-être ça qui le rendait plus gentil. Il s'était mis à réfléchir.
C'est vrai que avant, il avait beau avoir toujours été très intelligent, il utilisait cette intelligence pour trouver des moyens plus sournois pour tuer. Maintenant il devait trouver le moyen de changer le monde. Pas pareil.

Bref. Ses pensées l'avaient mené à la conclusion que Kithahara, comme il ne sentait plus sa présence divine dans l'air, avait dû miser le tout pour le tout et se réincarner en un ou une mortelle pour reprendre, par après, le pouvoir divin. mais où pouvait-elle être?
Bah... Lui n'était pas dur à trouver. les nekos ne couraient pas les rues. Surtout pas avec sa si bonne réputation que la sienne... Bref.

Il se leva de sa chaise, puis se dirigea vers l'escalier en disant :

"Rien. Enfin, si, dormir. T'as l'air crevée, et demain c'est une grosse journée. Alors cette nuit, tu dors. Ca aussi, c'est une règle. Minimum 8 heures de sommeil par nuit, sinon tu ne sauras pas capable de bien suivre les ordres."

Ensuite il poussa un grand et long bâillement, à la fois puissant et noble. Un peu comme le bâillement de lion. Pour un neko, en même temps...

"Je suis crevé, moi aussi. Je vais me coucher. Vérifie que la porte de rue est bien verrouillée, éteins toutes les bougies, puis file te coucher. A demain."

Après quoi il monta dans sa chambre, se coucha dans son lit, et s'endormit. Mais attention, un chat ne dort jamais que d'un œil. Surtout si ce chat est un psychopathe recherché et détesté par la moitié des dieux et les trois quarts des êtres mortels.

Ray souhaita une bonne nuit à son maître, un peu à contrecœur, fit ce qu'il lui avait demandé, et monta dans la chambre qu'il lui avait attribuée. Son plan pouvait bien attendre un peu : elle était épuisée.
Elle laissa tomber ses vêtements au sol, se blottit dans la couverture qui était à sa disposition et s'endormit comme une masse.

Vers le milieu de la nuit, Ray se réveilla, comme par instinct. Elle enfila ses oripeaux à peu près n'importe comment, et prit la direction de la salle de bain, une goutte de sueur froide dans le dos. Si elle se faisait prendre, elle était très, très mal.

Elle avançait avec de grandes précautions dans le couloir, longeant le mur, quand...

Ssschrouiiik !

Une planche grinça. D'un joli grincement bien sonore, bien audible par tout le quartier. Le coeur de jeune femme loupa un battement, et elle se figea au milieu du couloir, plus immobile qu'une statue. Là, elle avait vraiment la trouille.
Sa respiration était complètement bloquée.

Un bruit retentit dans la chambre de Grey. L'esclave allait se faire massacrer.
Son cerveau hors d'état de nui... fonctionner avait énormément de mal à trouver une excuse quant à sa présence là.
Heureusement pour elle, en un temps record, la lumière fut.
Elle avança jusqu'à la salle de bain, y entra, et fit comme si elle allait aux toilettes. Sans prendre le couteau.
Et quand elle repassa dans le couloir, elle était apparemment attendue. Elle déglutit en voyant que Grey était sur le pas de la porte de sa chambre. Il allait falloir être convaincante.

Grey s'était presque levé en sursaut dès qu'il avait entendu la planche grincer. Il était sur le qui-vive. A part lui dans cette maison, il ne pouvait y avoir que son esclave. Et il voyait mal pourquoi elle se baladerait la nuit dans les couloirs... Il se leva, amena son épée près de la porte au cas où, et attendit. Lorsqu'il vit Ray sortir de la salle d'eau, il demanda :

"Une envie pressante, peut-être?"

Ca paraissait encore logique. Cependant, quelque chose, Grey n'aurait pas su dire quoi, dans l'attitude de Ray le laissait un peu... perplexe. Ou plutôt, même, sceptique. (mais non, pas comme la fosse -_-') Peut-être était-elle malade? Ou alors, elle cachait quelque chose...? Le neko psychopathe allait très vite le savoir, de toutes manières.

"Ca va aller? Tu as l'air... Etrange. Tu ne vas pas bien? Si tu as mal quelque part, j'ai prit quelques herbe médicinales, en même temps, tout à l'heure, chez l'apothicaire. Elles sont dans ma chambre."

Le neko s'était retourné légèrement en parlant, pour désigner du bout du menton une table de nuit sur laquelle trônaient quelques sachets et deux trois affaire que Grey gardait habituellement toujours sur lui, comme un petit couteau (toujours pratique et utile à tout moment, on a déjà pu le voir), un trousseau de clefs, et deux trois autres bricoles.

Ray avait toujours eu du mal à mentir. Mais étant donné la situation, il faudrait bien qu'elle fasse un effort.

"Suis malade à cause de la nourriture... Il en donnait pas beaucoup, le marchand. Plus mangé depuis plein de jours... Désolée."

Elle baissa les yeux, consciente que dans son explication, son manque de pratique de la langue humaine transparaissait comme une évidence. Mais il fallait que ça fonctionne.
Elle n'allait quand même pas expliquer à son maître qu'elle voulait le scalper (Nerina, je sais que tu es là xD) pendant son sommeil, si ? Ça l'aurait foutu mal, tout de même.

"J'essayerai ça ne se reproduis pas."

Elle tentait d'utiliser des mots un peu complexes pour elle, et ce n'était pas brillant-brillant. La jeune fille recula d'un pas, se rapprochant de sa chambre. Elle était pâle comme la mort, peut-être même un peu plus. Il lui faisait peur, mine de rien, le félon félin.
Surtout en pleine nuit, quand seule la lumière de l'étoile incrustée dans la chair de Ray éclairait de couloir, leur donnant à tous les deux un air maladif.

Ambiance de folie, ici.
Encore un pas vers l'arrière. Elle y était presque. Mais la peur qu'il ne la croie pas était un peu trop lourde pour la chétive esclave, qui du se raccrocher au mur pour ne pas tomber. C'était trop de fatigue accumulée, trop de mauvais traitements. Et un peu trop la sensation qu'elle allait s'uriner dessus, aussi. Bouh, le missant pabo. Enfin, pabo... On dira rien.

Grey commençait à peine à se dire que l'étrange chose, l'espèce d'étoile, dans le creux du cou de Ray était bizarre. Comment est-ce que ça se faisait qu'elle brillait tant? Enfin, niveau bizaroïdité(?), il pouvait bien parler. Alors il garda silence sur ce point. Il la vit se reculer, et eut l'impression qu'elle allait tomber par terre à chaque pas.

Le psychopathe poussa un soupir et dit quelque chose du genre "Ne bouge pas, je reviens", puis descendit à la cuisine, prit un verre et le remplit d'eau, puis remonta jusque dans sa chambre avec une célérité et une grâce digne de son côté félin. Il marcha jusqu'à la table de nuit, sortit quelques médicaments d'un sachet qu'il dilua dans l'eau et dit en le faisant :

"Viens, ca devrait faire passer d'éventuels maux de ventres et indigestions. Je pense que je devrais aussi te donner quelques vitamines, tu trembles comme une feuille morte. On dirait que tu tiens à peine sur tes jambes."

Il eut alors une pensée assez amusante. Peut-être tremblait-elle, sans s'en rendre compte, de peur? Il avait l'habitude de provoquer ce genre de réactions (on demande beaucoup de beurre à Grey... xDD), mais de là à ce qu'il fasse peur à quelqu'un qu'il venait d'acheter... Enfin, sauf si elle avait quelque chose à se reprocher.

De toutes façons, on n'avait pas beaucoup l'occasion de mentir à quelqu'un comme lui. Il savait se montrer persuasif... Très peu de choses, en ce monde, savaient ne pas se plier à sa volonté de fer. (Et à sa force de colosse, mais ça on dira rien non plus... Quoique, faut dire ce qui est. xDD)

Ray, debout à côté du lit, immobile, ne pouvait maintenant qu'espérer que ce qu'il allait lui faire prendre n'allait pas réellement la rendre malade. Quoiqu'elle ne fut pas vraiment au milieu de sa forme, il fallait bien dire ce qui était. Et c'est pas la modestie qui t'étouffe.

Elle se saisit du verre quand il le lui donna, regardant le contenu avec la méfiance qui était devenue son comportement habituel. Sûr, ça allait être dégueulasse, comme tout ce qu'on lui avait fait prendre au couvent quand on l'avait retrouvée à moitié morte.

"Merci."

Sa voix était aussi blanche qu'elle, ce qui n'était pas peu dire. La pauvre petite.
C'était presque comme si le chaperon rouge commençait à percuter qu'elle était tombée sur le grand méchant loup. Non non, elle n'allait pas voir le loup. Ou presque.

Elle avala le contenu du verre d'une traite, son nez se plissant malgré elle. Comme la jeune fille s'en doutait, c'était infâme. Peut-être que ça l'aiderait à tenir debout, restons positifs... Mais elle n'en était vraiment pas convaincue. Il n'y avait plus qu'à espérer que ça n'expulse pas le peu de nutriments qu'elle avait pu ingérer.
Elle croisa les bras, prise d'un coup de froid. Le contrecoup de son stress, sans doute.

Grey la regarda faire une petite grimace en buvant le médicament. Ah bah ça oui, forcément, les médocs, c'est pas fait pour avoir bon goût. Enfin, ça, Grey, il pouvait pas trop le savoir, c'était tellement rare qu'il tombe malade... La plupart du temps, quand il devait se soigner, c'était quand il se faisait à moitié couper en deux, ce genre de choses... Il ne s'y connaissait pas vraiment en remèdes et maladies.

"Tu as froid?"

Le neko attrapa sa couverture qu'il avait envoyé baladé par terre au début de la nuit, préférant dormir sans trop de couches au dessus de lui, ayant très vite trop chaud pendant la nuit, d'ailleurs il était, à cet instant, torse-nu, puis la passa sur les trop frêles épaules de Ray. Valait mieux pas qu'en plus, elle attrape froid. Presque pour lui-même, il dit :

"Je pense n'avoir jamais été si gentil avec une esclave..."

Se rendant compte qu'il avait parlé à voix haute, il rajouta très vite :

"Laisse tomber. Je parle tout seul maintenant... Je dois devenir un peu fou. Enfin, quand je dis devenir, c'est pas tellement nouveau, quand j'y pense..."

Après avoir hoché la tête en réponse à la question, Ray leva les yeux vers son maître, un peu indécise. C'était vrai qu'il n'était pas méchant... Mais quelque chose en elle se débattait contre l'idée même d'être esclave. Et bizarrement, contre l'idée même d'être l'esclave de Grey en particulier. Peut-être parce qu'il était à moitié chat et qu'il aurait donc du comprendre l'importance de la liberté. Peut-être.
C'était comme si elle savait qu'elle avait tort de maintenir son projet mais que quelque chose qu'elle ne maîtrisait pas l'y poussait. Un genre de fierté mal placée. Parce qu'elle aurait pu bien plus mal tomber, après tout.

Elle serra la couverture autour de ses épaules, et poussa un grand soupir. Elle commençait un peu à se détendre, ce n'était pas dommage. Elle étouffa un bâillement, jugeant cette mimique impolie, mais son étoile gagna quelques degrés de luminosité en plus. La jeune femme se calmait progressivement. Une fois l'état d'urgence passé, elle se rendait compte que c'était le milieu de la nuit et qu'ils étaient sensés dormir. D'ailleurs, elle désobéissait aux règles : les huit heures de dodo, c'était pas gagné. Elle n'était pas si fatiguée que ça, pour sa part ; au fond d'une cale de bateau, les nuits sont forcément moins douces. Quelques heures lui suffisaient, mais la pénombre l'invitait à simplement fermer les yeux.

"Vous êtes pas plus fou que moi... Êtes fatigué peut-être."

Elle risqua un sourire gentil.
Après tout, pourquoi être désagréable ? De toute façon, elle finirait bien par se libérer de sa condition d'une manière ou d'une autre. Sans doute pas celle prévue au départ, mais bon...
D'ici là, autant faire façon comme elle le pouvait.